Changement climatique, vin mousseux et sangiovese

Frescobaldi décrit le Castello di Pomino comme "le joyau caché de la Toscane". Il est situé à 35 km à l'est de Florence, dans les premiers contreforts des Apennins. Les 108 hectares de vignobles s'étendent à une altitude de 400 à 750 mètres et sont entourés de forêts. L'histoire du Castello remonte à l'année 1500. En 1716, le prince Cosimo III de Medici a désigné Pomino comme l'une des quatre régions viticoles préférées de Toscane. En 1855, Leonia degli Albizi, l'épouse d'Angiolo Frescobaldi, y a introduit les cépages chardonnay, pinot noir et pinot blanc, jusqu'alors inconnus dans la région. En 1983, la petite région de Pomino, constituée en grande partie de la propriété du Castello, a obtenu sa propre appellation d'origine protégée: Pomino DOC, c'est également la seule DOC pour le spumante en Toscane.

Le sangiovese et le merlot, également cultivés ici par le passé, ont été remplacés par le chardonnay et le pinot noir, notamment en raison de la forte demande de vins mousseux. Ceux-ci ont été produits pour la première fois en 2011. Aujourd'hui, Frescobaldi produit ici chaque année environ 50 000 bouteilles de Leonia Pomino Brut Pomino DOC Brut Millesimato à base de 80 pour cent de chardonnay et de 20 pour cent de pinot blanc et 8 000 bouteilles de Leonia Pomino Rosé Brut Millesimato à base de pinot noir. Outre le premier vin blanc d'Italie élevé en barrique - le Chardonnay Benefizio Pomino Bianco Riserva DOC - on y trouve également des raisins pour le Pinot Noir tranquille, la cuvée Pomino Bianco et le Vinsanto doux. Au moment de la visite, les raisins de ce dernier étaient suspendus pour être séchés ("appassimento"), une méthode très coûteuse que presque plus personne n'utilise. Fin février, il fermente dans de petits fûts en bois ("caratelli"), dans lesquels il vieillit pendant six à sept ans.

L'œnologue Francesca Pratesi raconte: "En 2022, nous avons commencé la récolte à la mi-août avec le chardonnay, le pinot noir a suivi fin août. Comme nous avons besoin de beaucoup de raisins pour le spumante, nous commençons assez tôt malgré l'altitude". Cette altitude est également la clé de l'avenir du domaine. Comme le raconte Pratesi, Pomino est ainsi moins sensible à la sécheresse. Elle cultive désormais aussi beaucoup de plantes couvre-sol entre les rangs de vigne afin de maintenir l'humidité des sols sablo-argileux. À partir de 2023, tous les vignobles seront cultivés sans herbicides. En outre, elle travaille avec son équipe à l'extension des vignobles jusqu'à une altitude de 800 mètres. "En tout cas, nous voulons garder le pomino spécial, car il est unique en Toscane!"

Non loin de Pomino, mais nettement plus bas dans la zone de production du Chianti Rufina, se trouve Castello Nipozzano , qui existe depuis le 11e siècle. Son nom signifie "sans puits". À l'est, on voit les Apennins, et vers le sud-est, les vallées des fleuves Arno et Sieve. "Ici, ces influences climatiques se mélangent et cela donne à nos vins une maturité phénolique et des arômes particuliers", explique l'œnologue Lorenzo Portaro. "Le paysage de la Rufina est plus ouvert, il n'y a pas de petites structures, et il est beaucoup plus homogène que celui du Chianti Classico. Nos vins ont donc plus d'acidité et sont très aptes à la garde", poursuit le jeune œnologue. Comme pour le prouver, les collections personnelles de vins de la famille Frescobaldi sont entreposées dans une cave du Castello. Les 240 hectares de sols calcaires et argileux sont plantés à 80 pour cent de sangiovese, et les vignobles sont situés entre 300 et 500 mètres d'altitude.

Les vins les plus connus de Castello Nipozzano proviennent de vignobles individuels: le Montesodi Chianti Rufina Riserva DOCG est un mono-cépage de sangiovese. Montesodi signifie "montagne dure", et le vignoble, situé à 400 mètres d'altitude, a dû être aménagé à l'aide de dynamite. 1974 a été son premier millésime. Le Mormoreto Toscana IGT est vinifié à partir de cabernet sauvignon, de cabernet franc et de petit verdot. Actuellement, on plante aussi de plus en plus de Cabernet et de Petit Verdot à maturité tardive, mais Portaro continue de croire au Sangiovese: "On expérimente de nouveaux porte-greffes et on recherche de nouvelles sélections clonales pour des vignes plus résistantes". Il fait aussi des expériences lui-même. Ainsi, il fait fermenter des baies entières dans huit barriques et espère que cela donnera plus de fraîcheur à ses vins. "La prochaine fois que vous reviendrez, nous pourrons le déguster", promet-il.

L'œnologue Davide Bozzon explique que ces deux terroirs sont un grand avantage pour Castelgiocondo, car ils donnent la chance d'expérimenter dans des conditions très différentes. Il est convaincu de l'avenir du sangiovese en Toscane: "Il est le mieux adapté au climat et il continuera à s'adapter". Pour le merlot, qui souffre particulièrement du changement climatique, Castelgiocondo mise également sur la capacité d'adaptation et les nouvelles connaissances. "Peut-être que le merlot devra un jour être remplacé par le cabernet sauvignon et le cabernet franc. Mais pour l'instant, nous continuons à miser sur lui et à le planter", explique Bozzon. Pour l'avenir, des étangs seront construits et des systèmes d'irrigation installés. Bozzon: "Nous n'irriguons pas pour augmenter les rendements, mais juste assez pour que la plante ne meure pas de soif. Il est important que le gestionnaire du vignoble et le maître de chai travaillent très bien ensemble, et cela fonctionne parfaitement chez nous". Dans un vignoble expérimental sur le site, on expérimente différents clones et porte-greffes. Le matériel qui y est obtenu est déjà utilisé pour de nouvelles plantations.

Dans l'ensemble, on a l'impression que chez Frescobaldi, on fait face aux défis du changement climatique avec une certaine sérénité, sans pour autant les ignorer. "Il y a déjà eu de nombreux changements au cours des siècles, et ils n'ont pas été maîtrisés par l'activisme, mais par l'observation de la nature, la réflexion, la réaction avec discernement et la participation aux nouveautés", explique le marquis Lamberto Fresobaldi. "Là où c'est nécessaire, nous intervenons et nous nous adaptons, mais nous essayons toujours de garder à l'esprit notre histoire et nos traditions. Notre famille cultive le vin en Toscane depuis 900 ans. Cette expérience nous apprend à accepter les changements sans céder à la panique. Et", fait-il allusion à l'accueil, "nous ne devons pas avoir fait si mal que ça si nos vins sont si appréciés!"