Amateurs de vin ou d'art

Est-ce du vin ou de l'art que je recherche? Suis-je amateur de vin ou d'art? Ce n'est pas si simple. De plus, mon éducation chrétienne a très tôt détaché le vin de l'environnement de Bacchus et l'a placé sur la table de la Cène. Et puis, il y a eu la rencontre décisive, lors de mes études, avec le "Fils prodigue" de Rembrandt, qui dilapide sa fortune dans les bars à vin, le verre levé dans la main droite et sa femme, Saskia, rayonnante, sur les genoux. Ma fille s'appelle Saskia. Pourquoi? Pour l'art, pour Rembrandt ou pour le vin? Des questions qu'il est difficile de résoudre aujourd'hui, quarante ans plus tard.

Rembrandt et Saskia dans la "Parabole du fils prodigue"% vers 1635. Staatliche Kunstsammlung% Dresden (photo: P. Züllig)

En tout cas, l'art m'a autant marqué que le vin. D'une certaine manière, ils m'accompagnent tous les deux depuis des années dans ma quête du plaisir. Je me souviens encore très bien - c'était il y a plus de dix ans - de notre montée à la chapelle de la Croix à Ediger-Eller, sur la Moselle, pour admirer le fameux relief en pierre "Le Christ au pressoir", sans doute unique du point de vue iconographique. La représentation m'a fasciné: Comment a-t-on eu l'idée d'écraser le Christ et la croix dans le pressoir pour en faire jaillir le vin de la rédemption? Du joyeux buveur accompagné de la jeune Saskia, vêtue d'une robe précieuse, au Jésus nu portant la croix qui est pressé dans le pressoir, une aura de mythe entoure l'art et le vin.

"Christ dans le pressoir"% Relief en pierre du 16e siècle dans la chapelle de la Croix à Ediger-Eller% Moselle (photo: P. Züllig)

Dans le livre illustré "Bacchus" - paru aux éditions Hirmer et à la Neue Zürcher Zeitung en 2004 - Hugo Loetscher a posé la question suivante: "Faut-il être à jeun quand on écrit sur le vin?" L'auteur a seulement posé la question, mais n'y a pas répondu dans le livre, et il ne peut plus y répondre, car Hugo Loetscher est décédé entre-temps. "Inévitablement, nous rencontrons le buveur, le solitaire comme le sociable, l'épicurien comme le dégustateur ou l'ivrogne, tous ceux qui se réunissent pour un verre, un festin ou un symposium, que ce soit au bar, au bain ou au bordel, le vin lors d'un repas sur la table familiale ou d'un pique-nique, la bouteille de vin dans l'atelier ou dans la garden-party, le verre joyeux comme le triste". Bacchus ou justement Dionysos - le plus jeune dans le monde des dieux grecs - est toujours le parrain.

Bacchus au Château Mouton-Rothschild (photo: P. Züllig)

Le livre illustré poussiéreux - il n'est poussiéreux qu'en apparence - avec les essais profonds de l'écrivain et les magnifiques photos est resté inaperçu dans ma bibliothèque pendant des années. Presque comme ces bouteilles sur l'étagère de la cave que je désigne par "Divers"; où se rassemblent justement tout ce que je ramène de mes voyages œnologiques ou que des amis bien intentionnés m'ont apporté: "Déguste-moi ça!" Et il en va souvent des vins comme des livres, ils sont vite oubliés, poussiéreux ou même dépassés. Un jour ou l'autre - ne serait-ce que parce qu'il n'y a plus de place - on se penche sur l'étagère et... on est déçu, surpris ou même ravi. Bacchus et sa suite sont - si l'on en croit la doctrine des dieux - bruyants et bruyants, c'est pourquoi on les appelle aussi Bromios (le bruyant). En ce sens, Bacchus, le chien du vigneron qui nous a accompagnés pendant des heures en aboyant dans les vignes lors des vendanges, a bien mérité son nom. Ce n'est pas le cas de "Bacchus", le livre, car il s'est caché derrière le gros "Parker", la longue série des Hachette et le noble "Oxford Wine Encyclopedia" avec son étui.

Bacchus% le chien du vigneron% nous accompagne pendant toutes ces heures et ces jours de vendanges (photo: P. Züllig).

Il est également si typique que le savoir, le jugement, les faits bruts occultent tout ce que les images, la poésie, l'art et la culture ont à dire sur le vin. "Qu'elle soit éclairée par le soleil ou qu'elle pousse dans la pénombre, qu'elle soit vrillée, qu'elle soit sur un piquet ou qu'elle se torde sur le sol, la grappe de raisin pousse vers le ciel, un ciel plein de signes. Le cep de vigne n'est pas resté une plante parmi d'autres. Il est devenu, selon la tradition indienne, rabbinique comme celle des pères de l'Église, l'"arbre de vie" au paradis". Peut-être vaut-il la peine de se souvenir de temps en temps de l'importance historique et culturelle de la vigne et du vin. "Que ce soit le Cantique des cantiques ou le Psaume, le prophète ou l'Ecclésiaste, pas d'Ancien Testament sans les chapitres réservés au raisin, non seulement aux raisins secs, aux gâteaux de raisin et au miel de raisin, mais aussi au vin, et pas non plus sans le vinaigre fabriqué à partir du vin".

La culture du vin en mots et en images (photo: P. Züllig)

Je ne me suis pas contenté de feuilleter le livre retrouvé, de regarder les images, d'explorer les titres, je l'ai vraiment lu, essai par essai, par exemple: "Combien d'Oechsle de vérité?", "Éduquer pour le pressoir" ou "Le céleste patrimoine viticole". Des pensées et des histoires qui sont profondément enracinées dans notre culture. Maintenant, je n'arrive plus à me décider: Suis-je un buveur de vin qui apprécie l'art et la culture ou un amateur d'art qui a la nostalgie d'un verre de vin (ou de deux)?

Cordialement
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