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La vallée alpine qui relie le nord de l'Italie au Valais suisse et à la Savoie française offre aussi des surprises aux visiteurs. Qui se douterait qu'il fait plus sec à Aoste que dans les Pouilles, bien que quatre massifs alpins de plus de 4000 mètres d'altitude avec leurs glaciers et leurs sommets enneigés déterminent le climat. Il est également surprenant de constater que les vins valdôtains ne sont pas des types froids et nordiques, même si le vignoble le plus élevé se trouve à plus de 1200 mètres d'altitude. La Vallée d'Aoste est visitée par plus de touristes qu'elle ne produit de bouteilles de vin, mais les viticulteurs cherchent aujourd'hui à établir des contacts avec les amateurs de vin et les commerçants en dehors de la région. Ce rapport décrit l'évolution des viticulteurs de cette étrange région frontalière franco-suisse-italienne, qui sont passés du statut d'autosuffisants et de chargeurs de coffre à celui de représentants d'une appellation sérieuse.

Le Mont Blanc domine la ligne d'horizon de la Vallée d'Aoste (Photo: Merum)

Les sommets enneigés, la flore alpine ornée de bouses de vache et les sentiers de randonnée au bord des précipices ne sont pas vraiment notre passion. Nous sommes attirés par la mer, les forêts de pins et les oliveraies. La brève visite du village alpin Disney de Courmayeur a été un véritable cauchemar. Il ne s'agit manifestement que d'arnaquer le plus efficacement possible les citadins temporaires, et il ne reste plus rien, absolument plus rien d'authentique, de terre à terre. Je préfère dix fois un carpaccio de daurade dans une taverne du port de Livourne ou de Gallipoli à une pizza surgelée accompagnée d'une bière au lion à l'ombre du Monte Bianco! Mais heureusement, Courmayeur n'est pas la Vallée d'Aoste, juste une enclave de sports d'hiver multiethnique et interchangeable.

C'est après le déjeuner conçu pour les affamés à la Jolie Bergère, à 1700 mètres d'altitude, que nous avons vraiment regretté d'avoir organisé notre programme de voyage de manière aussi stricte. Juste derrière le restaurant de montagne, l'univers alpin à l'état pur commence. Pas de cliché! L'air frais, pur, sec et épicé était tout simplement époustouflant. Le monde végétal, avec ses variétés et ses fleurs comme nous n'en avons jamais vu de plus gracieuses et de plus riches, nous invitait à nous attarder et à les contempler. Malheureusement, nous n'avons pas donné suite à cette invitation. Peut-être aurions-nous dû laisser tomber le prochain rendez-vous et faire quelques pas, voire quelques heures de randonnée dans ce monde alpin qui semble si pur.

De nombreux monuments d'Aoste témoignent de ses 200 ans d'histoire. Les Romains ont fondé Aoste - Augusta Praetoria - en 25 avant J.-C. (Photo: Merum)

Après notre expérience dans la Vallée d'Aoste, nous comprenons mieux les estivants accros à la montagne. Les Alpes sont suffisamment grandes, il y a beaucoup de vallées et d'endroits où l'hospitalité et les prairies naturelles n'ont pas encore été piétinées par le tourisme de masse. Lors de notre tour de la Vallée d'Aoste, malgré la haute saison - à l'exception de Courmayeur - nous n'avons pas été confrontés à des phénomènes désagréables d'origine touristique.

La Vallée d'Aoste, une Italie très différente.

La Vallée d'Aoste est la plus petite région d'Italie et présente de nombreuses similitudes avec le Tyrol du Sud. Comme ce dernier, la Vallée d'Aoste bénéficie d'un statut spécial depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce qui confère à la région des avantages financiers importants. L'italien et le français sont officiellement des langues officielles égales. Contrairement aux habitants du Tyrol du Sud, ceux du Val d'Aoste se sentent fortement liés à l'Italie. On ne parle cependant pas le français, mais un dialecte difficilement compréhensible, même pour les francophones: le "patois".

En se promenant dans la rue principale d'Aoste, interdite à la circulation, le visiteur est toujours tenté par des achats culinaires (Photo: Merum)

La vallée d'Aoste appartenait à la Savoie depuis le 11e siècle et n'a été rattachée à l'Italie qu'en 1861. Du point de vue climatique et culturel, elle présente de nombreux points communs avec le Valais suisse. L'ordre des Augustins, situé au col du Grand-Saint-Bernard, relie également Aoste à son voisin du nord. Les moines de Martigny, installés depuis 1000 ans dans l'hospice du Château Verdun (entre Aoste et le Grand Saint-Bernard), ont beaucoup fait pour la Vallée d'Aoste et ont notamment fondé dans les années 50 l'École d'Agriculture, aujourd'hui: Institut Agricole Régional. Faute de relève, les moines doivent maintenant abandonner leur position à l'hospice après 1000 ans.

La particularité la plus évidente de la Vallée d'Aoste, ce sont ces sommets blancs qui sautent aux yeux dès que l'on lève les yeux. La vallée est dominée par quatre immenses sommets de 4000 mètres: Le Mont-Blanc (4810 m), le deuxième plus grand sommet d'Europe après l'Elbrouz caucasien, le Cervin (4478 m), le Mont Rose, le deuxième plus haut sommet des Alpes avec 4634 mètres, et le Grand Paradis (4061 m), le seul sommet de 4000 mètres entièrement situé sur le territoire italien. Ces montagnes caractérisent la région, le climat et la viticulture. Le climat est sec et venteux, les raisins bénéficient de fortes variations de température. Le viticulteur Vincent Grosjean: "Même pendant les vendanges, nous avons des variations de température extrêmes. La nuit, les températures descendent jusqu'à 5 degrés et montent ensuite à 25 degrés pendant la journée".

Mais les conditions climatiques sont aussi fortement influencées par la Dora Baltea, qui accompagne la vallée d'Aoste sur toute sa longueur. Des deux côtés de la rivière, les conditions mésoclimatiques sont différentes et les viticulteurs doivent en tenir compte dans le choix des cépages.

Renato Anselmet: "Nous, viticulteurs du Val d'Aoste, ressentons un lien étroit avec notre région. Sans notre travail, ce magnifique paysage ne pourrait pas survivre. Il s'agit aussi pour nous de préserver le paysage, et pas seulement de produire du vin. Un bien culturel doit être entretenu, et nous, les viticulteurs, en sommes conscients".

Ici, seules les montagnes ont des coins et des bords

Bien que nous traversions souvent le Val d'Aoste en allant vers le nord et que nous essayions d'imaginer les vins en passant devant les vignobles à gauche et à droite des versants de montagne, nous n'avons jamais fait le plein ici, à part pour la voiture. Nous savons maintenant que c'était une erreur. Mais l'idée que nous nous faisions de ces vins était également fausse. Nous nous attendions à des vins verts et acides, uniquement destinés à faire descendre le fromage Fontina fondu au coin du feu dans les alpages. Nous avons été assez surpris de constater que les vins d'Aoste, bien que cultivés en haute altitude, ne sont presque jamais fins ou verts et ne présentent presque jamais une acidité élevée ou des tanins amers.

Le Fontina est l'un des fromages les plus caractéristiques du nord de l'Italie... lorsqu'il provient du bon affineur (photo: Merum)

Si les vins d'Aoste sont certes un peu moins riches en alcool que ceux de l'Italie plus méridionale, mais qu'ils sont tout de même pour la plupart pleins, concentrés, assez peu anguleux et sans acidité gênante, cela s'explique par plusieurs raisons. Autant le merlot ne donne pas de vins passionnants dans les régions chaudes, autant le cabernet est mal adapté aux zones de culture à maturité tardive. Dans le Val d'Aoste, les conditions de culture changent tous les quelques kilomètres. S'il n'y avait qu'un seul cépage disponible, il ne donnerait des vins équilibrés que dans certaines zones, mais plus haut, la maturité serait précaire, tandis que dans les zones plus basses, la surmaturité empêcherait la finesse.

Comme dans le Tyrol du Sud, toute une série de cépages se sont implantés en Vallée d'Aoste au cours de son histoire, chacun d'entre eux n'étant cultivé que dans une zone précise de la vallée. D'autre part, l'ensemble de la Vallée d'Aoste a connu une poussée de qualité au cours des dix dernières années. Les caves ont été modernisées et mises au niveau des dernières technologies.

Où sont les vins acides et anguleux que l'on attendrait de ces hauts lieux où les différences de température sont presque extrêmes? La plupart des vins ici semblent plutôt joufflus et ronds, même les vins blancs manquent souvent d'acidité.

Daniele Domeneghetti (Institut Agricole Régional): "Les vins de la Vallée d'Aoste sont très aromatiques, surtout les blancs. Les vins rouges sont relativement clairs et disposent de peu de tanins. Cela est dû aux sols, qui sont très meubles, sablonneux et caillouteux. De nombreux cépages qui donnent des vins acides dans d'autres régions se développent différemment dans le Val d'Aoste. Les viticulteurs valdôtains n'aiment pas les acidités élevées ni les tanins agressifs. Les vins ressemblent un peu aux vins du Valais, qui présentent également une faible acidité. Même si nous laissons le vin plus longtemps sur le moût, nous n'en extrayons pas beaucoup plus de tanins. Ce sont nos sols qui donnent ces caractéristiques".

Vincent Grosjean: "Nous vivons dans une vallée entourée des plus hautes montagnes d'Europe. Elles protègent la région et influencent notre climat. Il suffit de penser que la partie centrale de la vallée autour d'Aoste, où les vignobles se trouvent entre 550 et 900 mètres au-dessus du niveau de la mer, est l'une des régions les plus sèches d'Italie. Ici, nous n'avons que 450 mm de précipitations par an. Le Mont-Blanc empêche toutes les intempéries venant de l'Atlantique d'atteindre la vallée. Dans les montagnes, nous atteignons déjà 800 mm de précipitations par an. Tous nos vignobles dépendent de l'irrigation artificielle. Au Moyen-Âge aussi, les paysans étaient confrontés à ces problèmes de sécheresse".

Diversité des terroirs...

En Vallée d'Aoste, il existe une seule appellation globale, la Vallée d'Aoste DOC, qui est elle-même divisée en de nombreuses petites sous-zones. Comme le Piémont, la Vallée d'Aoste ne connaît pas de catégorie IGT. Jusqu'à il y a quelques décennies, on produisait surtout du vin rouge, et ce n'est que plus récemment que l'on a planté davantage de cépages blancs. Mais aujourd'hui encore, le Petit Rouge rouge est le cépage le plus cultivé.

Pour comprendre la diversité des vins, il faut considérer la Vallée d'Aoste d'un point de vue géographique. D'un point de vue ampélographique, Donnas et Carema, la dernière commune du Piémont à la frontière avec la Vallée d'Aoste, vont de pair, car ici comme ailleurs, on ne cultive que du nebbiolo. Carema n'est qu'à quatre kilomètres de Donnas.

Dans le Val d'Aoste, le nebbiolo est appelé picotendro (piccolo et tenero: petit et tendre). On distingue deux DOC pour les vins de Nebbiolo, le Valle d'Aosta Donnas DOC et le Valle d'Aosta Nebbiolo DOC pour les vins jeunes. A Donnas, il n'y a que deux producteurs qui mettent le Nebbiolo en bouteille à des fins commerciales: La cave coopérative et Le Selve de Rolando Nicco, qui ne produit toutefois pas de vins DOC.

Les caves de la Vallée d'Aoste sont en général très petites. Sur la photo, la Cantina de Rolando Nicco à Donnas (photo: Merum)

Les terroirs de la DOC Donnas sont vraiment spectaculaires. La partie nord des vignobles a été construite sur un ancien glissement de terrain, où les pierres des générations passées ont été empilées pour former des murs de plusieurs mètres d'épaisseur. Au centre des parcelles étroites et emmurées ainsi créées, on a rassemblé toute la terre que l'on pouvait trouver et on y a planté les vignes. Une incroyable œuvre humaine datant d'une époque où le vin devait être précieux... Plus au sud en revanche, déjà sur le territoire de la commune de Pont-Saint-Martin, les vignes de nebbiolo se dressent sur d'étroites terrasses soutenues par des murs de pierre et d'énormes rochers. Celui qui produit du vin ici doit vraiment être fou! "Fou", bien sûr, dans le sens le plus admiratif du terme.

Une autre forme de folie est celle de certaines personnes qui veulent aplanir ce bien culturel unique avec des pelleteuses. Ils n'ont rien de plus intelligent à proposer que la réduction des coûts de production. Heureusement, lors d'une réunion consacrée à cette proposition, les vieux viticulteurs récalcitrants ont rejeté ce projet avec effroi et indignation. Ils continueront donc à se rendre dans les vignobles avec leurs scooters à trois roues et à entretenir de manière absolument inefficace, à la force du poignet, leurs quelques pieds de vigne et à apporter le raisin à la Cantina Sociale. Qu'ils en soient remerciés! Rolando Nicco, le seul de ces fous à vinifier lui-même ses raisins, a raison lorsqu'il pense que ce paysage devrait être protégé en tant que patrimoine culturel mondial.

Plus au nord, à Chambave, il n'y a plus de nebbiolo, mais du muscat. Ici, les vins doux jouent le rôle de protagonistes. La cave coopérative Crotta di Vegneron en est le plus grand producteur. Plus au nord, dans la partie centrale de la vallée autour d'Aoste, le cépage rouge Petit Rouge domine. A l'est de la ville, son vin s'appelle Torrette DOC. Outre ce cépage, on y trouve également le fumin et la petite arvine blanche. Les villages d'Aymavilles, Sarre, St. Pierre et Villeneuve constituent le cœur de la viticulture, avec des cépages autochtones et internationaux. Dino Darensod, président et fille à tout faire de la Cave des Onze Communes: "Nous sommes ici dans l'appellation Torrette. Onze communes peuvent produire le Val d'Aoste Torrette DOC. C'est de là que vient notre nom Cave des Onze Communes".

En amont, à l'ouest d'Aoste, se trouve Arvier, où est produit, également à partir de Petit Rouge, le vin rouge L'Enfer d'Arvier DOC. Depuis des siècles, on produit du vin à Arvier. La prospérité de la localité repose sur la situation particulièrement chaude de L'Enfer - et ce à 800 mètres d'altitude. L'Enfer doit son nom aux conditions climatiques extrêmes. Dans ce cirque, il n'y a presque pas de vent et les températures sont élevées, car les rochers reflètent également les rayons du soleil. Ce microclimat particulier a permis aux habitants d'y cultiver des vignes dès le Moyen-Âge. Le vignoble, généralement en terrasses, s'étend sur six hectares.

Sur le site de L'Enfer près d'Arvier, le climat est si doux% que le kiwi et d'autres plantes ayant besoin de chaleur y poussent également (Photo: Merum)

Plus en amont encore, on trouve les vignobles les plus hauts d'Europe, où le cépage blanc Prié blanc est vinifié en Blanc de Morgex et de La Salle DOC dans les deux communes de La Salle et Morgex. Ce cépage pousse entre 900 et 1200 mètres d'altitude, les vignes les plus hautes de La Salle grimpant jusqu'à 1225 mètres. Sur les sols extrêmement maigres et sablonneux d'origine morainique - il y a 6000 ans, un glacier descendait encore vers la vallée - le Prié blanc pousse sans porte-greffe. L'appellation doit cette particularité au fait que le phylloxéra ne peut pas survivre à cette altitude. De plus, le Prié blanc posséderait une résistance génétique au phylloxéra. Des études sont menées à ce sujet à l'université d'Ancône.

Par le passé, les viticulteurs locaux vinifiaient le Prié blanc et soit buvaient eux-mêmes le vin, soit le vendaient à des clients privés dans des bouteilles en osier. Le curé de Morgex, Don Bougeat, était convaincu que ce vin méritait mieux et l'a mis en bouteille pour la première fois en 1964. Aujourd'hui, environ 200 000 bouteilles de Blanc de Morgex et de La Salle DOC sont produites.

Les terroirs de la Vallée d'Aoste ne se distinguent pas seulement par leur altitude et la composition de leur sol, mais aussi par leur orientation. Dans la partie centrale de la vallée, où se trouvent la plupart des vignobles, cette différence est particulièrement marquée. Dino Darensod: "Les vins du versant sud de la Dora Baltea sont plus concentrés, ceux du versant nord sont en revanche plus frais et plus aromatiques".

Diversité des cépages...

Il peut paraître étonnant que le Moscato bianco (Muscat de Chambave DOC) et le Pinot grigio (Malvoisie de Nus DOC) fassent partie des cépages les plus anciens de la Vallée d'Aoste, aux côtés de variétés indigènes comme le Nebbiolo, le Prié blanc, le Petit rouge, le Premetta, le Fumin ou le Cornalin. Le pinot grigio était déjà cultivé dans le Val d'Aoste au Moyen-Âge. En 1838, le scientifique Francesco Gatta a classé 62 cépages dans le Val d'Aoste. Dans la seconde moitié du 19e siècle, au cours des nouvelles et terribles maladies de la vigne (oïdium, mildiou, phylloxéra), des variétés comme le dolcetto, le freisa, le barbera, le grignolino sont arrivées du Piémont tout proche dans la région d'Aoste.

La forteresse de Bard (photo: Merum)

Aujourd'hui, il ne reste toutefois presque plus rien de ce patrimoine variétal piémontais. Vincent Grosjean: "Dans les années d'après-guerre, la viticulture a fortement diminué et la majeure partie du vin n'était plus produite que pour la consommation personnelle. La qualité en a bien sûr pâti. On plantait surtout des variétés qui promettaient des rendements élevés. Finalement, dans les années 80, de nombreux viticulteurs revinrent aux cépages traditionnels et plantèrent du fumin, du cornalin, du mayolay".

En tant que directeur de l'école régionale d'agriculture d'Aoste, l'ecclésiastique suisse Joseph Vaudan a introduit dans les années 60, 70 et 80 une série de cépages tels qu'ils sont cultivés en Valais. Ainsi, avec le Müller-Thurgau, le Chardonnay et la Petite Arvine, ainsi que le Pinot Noir, le Gamay, la Syrah et le Merlot, un troisième groupe de cépages est devenu indigène en Vallée d'Aoste.

Un quatrième rafraîchissement du sang ampélographique a eu lieu à la fin du 20e siècle, lorsque des cépages tels que le Gewürztraminer, le Sauvignon, le Viognier, le Cabernet Sauvignon et d'autres ont été implantés - bien que sans grande diffusion.

Vincent Grosjean: "Pour les personnes extérieures, il est peut-être difficile de comprendre pourquoi nous cultivons autant de cépages différents. Mais chacun d'entre eux a sa raison d'être, chacun a ses caractéristiques particulières, et chacun a besoin de conditions de culture différentes. Beaucoup de ces cépages sont de nouveau cultivés depuis peu, ils sont encore sous surveillance, mais certains donnent déjà de bons résultats.

Les vignobles en pente de nebbiolo de Donnas, près de la frontière avec le Piémont (photo: Merum)

Bien sûr, cela nous coûte beaucoup d'argent et demande beaucoup d'espace pour produire et élever autant de vins différents. Ensuite, il y a aussi le fait que les différents cépages sont mûrs à des moments différents. Nous avons besoin de 40 jours pour les vendanges. Le Müller Thurgau et le Pinot grigio sont les premiers à mûrir, alors que le Fumin n'est récolté que vers la fin octobre".

Renato Anselmet: "Si nous produisons autant de vins différents, c'est parce que nous avons de si grandes différences d'altitude. Un cépage qui pousse à 500 mètres, je ne peux pas le cultiver à 900 mètres. Chaque vignoble a ses caractéristiques particulières et exige le cépage qui s'y développe le mieux. Les vendanges sont également très longues. Il m'arrive de ne récolter le gewurztraminer que fin novembre".

Costantino Charrère s'engage en faveur de l'ancienne variété Premetta. Elle serait étroitement apparentée au Prié Blanc de Morgex. Un clone de Premetta donne des raisins blancs, l'autre des raisins roses. Mais la Premetta rose est également très aléatoire en termes de couleur: "L'année dernière, le vin n'avait pas la couleur rosée voulue et habituelle, mais était blanc. Il ressemblait à un pinot grigio. Depuis quatre ans, nous transformons le vin de Premetta en un Metodo Classico. Pour l'instant, nous travaillons encore avec l'Institut Agricole Régional en ce qui concerne la spumantiisation, mais à partir de 2011, nous élaborerons le vin mousseux dans notre propre nouvelle cave. Il y en aura 3000 bouteilles. Je me suis beaucoup investi pour ce cépage et je l'ai sauvé de l'extinction en faisant en sorte qu'il soit à nouveau inscrit dans le règlement de production Aosta DOC".

Le vignoble de pointe de Costantino Charrére, Côteau la Tour, à Aymavilles, près d'Aoste (photo: Merum)

Le Fumin tient également à cœur à Charrère, car il voit pour ce vin un grand potentiel de vieillissement. Charrère: "Le fumin est sauvage et n'est pas immédiatement accessible à tout le monde".

Des raisins chers...

Renato Anselmet: "Notre problème, ce sont les coûts de production élevés. Nous n'avons guère de possibilités de les réduire. Peu de choses peuvent être faites à la machine, et le travail manuel coûte cher. Nos vignobles se situent entre 600 et 900 mètres d'altitude et sont souvent très éloignés les uns des autres. Nous perdons donc naturellement beaucoup de temps. Nous avons besoin en moyenne de 1300 heures de travail par hectare, alors qu'en Toscane, la moyenne est de 400 heures".

Gianluca Telloli (œnologue des caves coopératives Coenfer à Arvier et Cave du Vin Blanc de Morgex et de La Salle): "Les six caves coopératives sont encore relativement jeunes par rapport à d'autres régions d'Italie. Avant la fusion, les agriculteurs vinifiaient eux-mêmes leurs raisins, la qualité était plutôt mauvaise que bonne, on ne mettait presque rien en bouteille. Pour ne pas perdre davantage de vignes, le gouvernement régional a fortement encouragé la création de coopératives".

Dino Darensod (Cave des Onze Communes): "Notre coopérative a été créée en 1984 avec le soutien de la région. Elle a alors construit cinq caves et les a prêtées aux coopératives. Aujourd'hui encore, notre cave appartient à la région". Gianluca Macchi, directeur de la Cervim (voir encadré): "Il existe un bon équilibre entre les coopératives de vinification et les caves privées. Bien que les coopératives aient souvent mauvaise réputation, les caves valdôtaines produisent une bonne, voire une excellente qualité".

Vincent Grosjean: "Un grand problème pour la viticulture professionnelle est la forte parcellisation des vignobles. Comme la plupart des familles avaient beaucoup d'enfants, les terres ont été divisées en de nombreuses petites parcelles, et aujourd'hui, si l'on veut acheter un bout de terrain, il faut négocier avec d'innombrables propriétaires. Il est difficile d'agrandir son exploitation. Pour acheter ensemble cinq hectares de terre, nous avons dû négocier avec 22 propriétaires. Cela prend du temps et surtout des nerfs à vif. Actuellement, les prix se situent autour de 200 000 euros par hectare de terre non cultivée".

La sculpture sur bois est un métier et un passe-temps très répandu dans le Val d'Aoste (Photo: Merum)

Les producteurs de vin à plein temps sont l'exception dans le Val d'Aoste. C'est souvent le cas dans les régions viticoles économiquement difficiles, car elles n'attirent pas les entrepreneurs de vin plus importants - par exemple ceux qui viennent de l'extérieur. D'un autre côté, c'est justement grâce aux viticulteurs de loisirs que des sites non rentables sont sauvés de l'abandon. Les Cinque Terre en sont un exemple frappant.

Renato Anselmet: "Peu de vignerons pratiquent ici la viticulture à plein temps, certains ne mettent en bouteille que 1500 bouteilles". Michel Vallet (Feudo di San Maurizio): "Celui qui met en bouteille plus de 50 000 bouteilles dans le Val d'Aoste est déjà une grande entreprise". Vincent Grosjean: "L'association des Viticulteurs Encaveurs Vallée d'Aoste regroupe 36 petits producteurs. Parmi eux, 15 pratiquent la viticulture à plein temps. A ceux-ci s'ajoutent les six caves coopératives. Nous avons également l'Institut Agricole et deux ou trois petits viticulteurs qui n'ont pas adhéré à notre association. Il y a donc environ 45 producteurs qui mettent en bouteille et commercialisent leur propre étiquette. Les embouteilleurs purs, qui achètent du vin, n'existent pas dans le Val d'Aoste".

Grosjean, président de l'association des Viticulteurs Encaveurs Vallée d'Aoste, estime que ses membres mettent en bouteille environ 750 000 bouteilles et exploitent au total 100 hectares: "J'observe avec grand plaisir l'arrivée de nombreux jeunes viticulteurs qui, au début, ne pratiquent peut-être la viticulture qu'à titre accessoire, mais qui sait, cela pourrait bien devenir un jour leur principale source de revenus".

Pour devenir viticulteur à titre principal, il faut vraiment être bon. Il doit être en mesure de vinifier un vin décent à partir de ses raisins et de le vendre à un prix intéressant. Car en Vallée d'Aoste aussi, seule l'autopromotion protège de l'auto-exploitation! Si l'on considère que les viticulteurs de Morgex reçoivent 1,70 euro par kilo de raisin et ceux d'Arvier deux euros, il est clair que le gain à l'hectare est inférieur aux coûts.

Gianluca Telloli: "Les rendements à l'hectare varient entre 7000 et 10 000 kilos par hectare. Un viticulteur peut donc gagner jusqu'à 17 000 euros par hectare". Une fois les frais déduits, il reste au viticulteur bien moins de dix euros par heure de travail. Cette rémunération peut être acceptable pour les viticulteurs amateurs ou les retraités, mais elle ne suffit jamais pour les viticulteurs à plein temps.

... des vins bon marché

Les prix des vins ici sont loin d'être effrayants. Pour la torrette rouge, le client privé doit compter entre cinq et huit euros la bouteille, et autour de sept euros pour un blanc de Morgex. Au vu des coûts de production exceptionnels, ce sont des prix tout à fait ordinaires.

Mont Blanc (Photo: Merum)

Daniele Domeneghetti (Institut Agricole Régional): "80 pour cent du vin est vendu dans la région même, principalement aux touristes. Nous avons peu besoin de marketing et de communication externe, car la vente directe absorbe presque toute la production". La Vallée d'Aoste compte près de deux millions de touristes par an. En été comme en hiver, ils affluent dans la région pour faire de la randonnée, du rafting ou du ski. Si chacun de ces touristes voulait emporter ne serait-ce qu'une seule bouteille, il y aurait des disputes - plus de 1,7 million de bouteilles ne sont pas embouteillées.

Jusqu'à présent, on exporte peu, même si les producteurs ne seraient absolument pas opposés à des contacts commerciaux avec des importateurs étrangers. Le problème est qu'ils n'ont aucune idée des affaires commerciales et du marketing, car le vin a toujours été porté hors de la cave par la clientèle privée.

La viticulture et le tourisme sont étroitement liés. Si le tourisme recule, les viticulteurs en seront directement affectés. D'autre part, les viticulteurs ont un rôle important à jouer en tant que gardiens du paysage. Si le paysage de la Vallée d'Aoste n'était pas aussi beau, cela aurait certainement des répercussions négatives sur le tourisme. Gianluca Telloli: "Les viticulteurs valdôtains n'ont pas seulement pour mission de produire du vin, mais ils doivent en même temps préserver la beauté du paysage, qui est l'une des principales sources de revenus pour les habitants. Sans le tourisme, l'économie viticole ne peut pas vivre, et sans les vignobles, le paysage ne serait qu'à moitié beau.

Vincent Grosjean: "C'est un grand avantage que nous n'ayons jamais eu de grandes difficultés de vente grâce au tourisme. La vente directe n'est cependant pas la solution optimale, car nos vins restent ainsi en grande partie ici, dans la vallée. Il serait important de développer de nouveaux marchés afin de pouvoir générer de nouveaux touristes. Les vins devraient éveiller la curiosité des consommateurs pour notre région".

Costantino Charrère: "Jusqu'à il y a 15 ans, la majeure partie du vin était produite pour la consommation personnelle. Ce n'est que lentement que la notion de qualité s'est imposée. Mais avec de tels coûts de production, nous ne pouvons rien produire d'autre que de la qualité, car nous ne sommes de toute façon pas compétitifs en termes de prix avec d'autres régions viticoles. Pendant des années, les viticulteurs n'ont pas du tout pensé à l'exportation, mais ils commencent lentement à s'ouvrir à de nouveaux marchés.

Entre-temps, les viticulteurs ont compris qu'ils devaient travailler ensemble, et aujourd'hui, cet échange fonctionne. Nous pouvons apprendre les uns des autres et devons aussi nous aider dans les situations d'urgence. Ici, dans les montagnes, on dépend de l'aide du voisin".

Gianluca Telloli: "Je vois un avenir éblouissant pour nos vins. D'autant plus que le marché italien ne s'intéresse à nous que depuis quelque temps et qu'il y a encore beaucoup de potentiel de vente qui y sommeille. Les amateurs de vin qui achètent aujourd'hui du Val d'Aoste DOC ont peut-être acheté jusqu'à hier des vins du Tyrol du Sud. Nous devons être en mesure de satisfaire les exigences de qualité de ces clients. Certes, nous avons encore beaucoup à apprendre du niveau de qualité de nos collègues du Tyrol du Sud, mais en même temps, nous pouvons essayer d'éveiller la curiosité des consommateurs et de les inciter à goûter quelque chose de différent".

L'administration régionale soutient la viticulture et la production de qualité avec des moyens financiers qui, en Italie, ne sont disponibles dans une telle mesure que pour les régions à statut spécial. Ainsi, le gouvernement régional aide les viticulteurs privés à construire leurs caves en participant aux frais à hauteur de 50 pour cent: Nous n'avons pratiquement pas rencontré de viticulteurs qui n'avaient pas de maçons chez eux lors de notre visite!

Les bâtiments et l'équipement des caves coopératives sont en revanche entièrement financés par le gouvernement et utilisés gratuitement par la coopérative, quasiment en prêt (seule la Cantina Sociale de Donnas fait exception, elle a été fondée par les viticulteurs en 1971). En outre, la région met son laboratoire à la disposition de tous les producteurs de vin pour des analyses de vin gratuites.

La partie nord de l'appellation Donnas est constituée de parcelles de vignes% creusées avec l'application des abeilles dans le cône de déjection d'un lointain éboulement (Photo: Merum)

L'économie viticole de la Vallée d'Aoste est l'un des rares exemples où la politique a déclenché une évolution positive avec des fonds publics. Les gouvernants valdôtains n'interviennent pas dans les décisions des entrepreneurs, ils se contentent de les assister. Si un viticulteur veut construire une cave, la région paie la moitié des coûts. Si un groupe de viticulteurs veut créer une coopérative, une cave leur est "prêtée". Les analyses coûteuses indispensables à la production de qualité sont effectuées gratuitement par le laboratoire de la région.

Grâce à cette politique, la viticulture bénéficie d'un soutien massif, car non seulement l'inconvénient des coûts de production élevés est quelque peu compensé, mais la compétitivité est également améliorée du point de vue qualitatif. Outre le Tyrol du Sud, Aoste est un cas exemplaire lorsqu'il s'agit de citer des exemples de promotion exemplaire de la viticulture et donc de la préservation du paysage.

Une chose est sûre: la prochaine fois que notre itinéraire nous fera passer par Aoste, nous ne nous contenterons pas de l'habituel arrêt rapide Agip-Panino, mais nous ferons une vraie pause, nous achèterons un peu de fontina, de nebbiolo et de torrette et nous nous régalerons peut-être même au Ristorante AD Gallias à Bard.

Dora Baltea

La Dora Baltea naît à Entrèves, au-dessus de Courmayeur, de la réunion de deux ruisseaux d'eau de fonte des glaciers sur le versant sud-est italien du massif du Mont-Blanc. Sur son chemin vers le Pô, la Dora Baltea traverse toute la vallée d'Aoste en direction de l'est, s'infléchit vers le sud-est après Saint-Vincent, traverse la vallée de Montjovet et atteint le Piémont avec la ville d'Ivrea après avoir quitté la vallée. De là, jusqu'à la confluence avec le Pô, il accompagne la région du Canavese et se jette dans le Pô à Crescentino, après un total de 160 km.

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