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Côte-Rôtie est un vignoble avec 2.400 ans d’histoire. Un patrimoine exceptionnel, très dynamique à tous niveaux où co-existent tradition et modernité. Nous avons rencontré Eve et Philippe Guigal, de la maison éponyme, qui présentent certains défis relevés au quotidien. Pour une vision à long terme, orientée développement durable.
©Stéphane Chalaye Photographie pour E.Guigal

Philippe Guigal, vous êtes à la tête de la Maison Guigal située à Ampuis au pied du vignoble de Côte-Rôtie, avec votre papa Marcel, et votre femme, Eve, au marketing. Quelles innovations avez-vous mises en place dernièrement ? Au vignoble d’abord.

Philippe Guigal: Quelque fois, on peut trouver notre futur en se tournant vers le passé. Côte-Rôtie est un vignoble en fortes pentes terrassées. Ces murs qui soutiennent ces terrasses datent pour la plupart de l’époque romaine. C’est notre patrimoine, à préserver. Et en même temps, pour travailler la vigne, il faut des terrasses. Actuellement, nous adaptons nos terrasses à une viticulture dite moderne, et qui prend en compte notamment le bio. Nous sommes HVE niveau 3 (Haute Valeur Environnementale) et ce n’est pas aussi simple qu’il y parait. C’est une question de volonté, de matériel et d’hommes. En Côte-Rôtie, nous n’avons malheureusement pas de matériel dans ce contexte de fortes pentes : la mécanisation n’existe pas. Le matériel, c’est donc les hommes principalement. Avec des aides… comme les treuils. Quand on refait les murs de terrasses on imagine toujours comment treuiller entre deux vignes : sur une chenillette, via un tracteur ? Tout une partie historique de Côte-Rôtie n’est pas treuillable, comme la Côte Blonde ou La Mouline. Là, il faut sortir… le bigod. C’est un outil qui date de l’antiquité : un genre de pioche à deux dents. Avec cela vous faites tout : désherber, décavaillonner… Tout le travail du sol se fait à la main, à la sueur. Ce bigod est visible dans notre musée au caveau du château. Néanmoins, il y a deux ans, nous avons su évoluer niveau équipement, grâce à une exclusivité mondiale avec Unimog : des véhicules de l’extrême, dans la gamme agricole. Nous pouvons aujourd’hui monter 4 tonnes de raisins au travers des pentes à 45 degrés. Toute la sécurité allemande est alors à notre service : anti-patinage, 4 roues qui braquent en même temps.

Le vignoble de Côte Rôtie aurait-il atteint sa taille maximale ?

Philippe Guigal: L’appellation Côte-Rôtie fait aujourd’hui 330 ha, et le potentiel de plantation est de 340 ha voire 350 ha, suivant les rochers, les zones boisés classés ou le réseau européen préserver la biodiversité, Natura 2000. Nous avions beaucoup de friches. Nous travaillons l’aménagement de différents terroirs, excessivement bien placés. Nous avons notamment un cru d’exception à côté de la Côte Brune, nommée la Reynarde, qui pourrait bien être notre quatrième cru après La Mouline, La Turque et La Landonne. Si tout va bien, nous devrions avoir notre premier millésime en 2022, puis l’élevage, cela ferait une sortie en 2026. Nous avons aussi de nouvelles plantations : Nève, et l’impressionnante La Chapuise, à Saint Cyr Sur Rhône, au nord de l’appellation. Ce sont des terroirs plus frais, et tardifs. Avec le réchauffement climatique, cela fait sens de diversifier.

Et collectivement, sur quelles innovations au vignoble travaillent les vignerons de l’appellation ?

Philippe Guigal: L’appellation investit dans les drônes pour les traitements bio. Côte-Rôtie fait partie du pôle d’expérimentation national. L’idée est d’être très ciblé et de passer de la viticulture traditionnelle à la viticulture de précision. Nous avons mis en place un réseau de service météo avec des stations dédiées. Les chefs de viticulture sont équipés d’une application qui leur donne la météo locale, précise. Ces modèles météo permettent de prévoir le développement des maladies de la vigne : oïdium, mildiou, black rot… et ainsi ajuster les traitements. Il s’agit d’un gros travail de R&D permanent, réalisé par tout le monde sur l’appellation.

Dans votre chai, avez-vous mis en place des nouveautés ?

Philippe Guigal: Notre chai est à l’image de Côte-Rôtie : à la fois traditionnel et moderne. Pour nos vinifications, nous avons des cuves inox, thermorégulées, auxquelles je suis très attaché. Cette matière est neutre et très propre. Bien que la Maison Guigal ait beaucoup grossit et avec des vins en provenance de toute la vallée du Rhône en quantité, nous vinifions exclusivement en levures indigènes. Pour l’élevage, nous avons 5.000 fûts. Le plus important avec ces pièces, c’est la propreté. Nous sommes donc extrêmement vigilants concernant leur nettoyage. Nous avons été pionnier en utilisant les technologies d’un fournisseur suisse, spécialiste du nettoyage de récipients vinaires qui s’appelle Moog. Après 2 ans de R&D à leur côté, nous avons créé un poste de lavage avec 5 cuves en même temps, avec de la vapeur, de l’ozone, du séchage… De plus, nous avons notre propre tonnellerie. Nous avons affiné la précision de nos fûts : certains sont maintenant adaptés à l’élevage des vins rouges et d’autres des vins blancs. Cet été, nous prévoyons d’optimiser l’espace robotique d’emboxage et déboxage afin de doubler nos capacités de production, pour toujours mieux satisfaire nos clients.

Je souhaite léguer à mes enfants une entreprise ancrée au 21e siècle.

Est-ce que vous réfléchissez développement durable en cave, aussi ?

Philippe Guigal: Bien sûr ! Par exemple, nous trions nos déchets produits en cave ou à la mise en bouteille. Nous avons maintenant des compacteurs de plastiques. Nous avons changé tous les éclairages pour passer basse consommation. Nous avons aussi une démarche spécifique concernant nos boues de vinification, avec un traitement par filtration. Nous filtrons nos eaux usées pour faire en sorte que l’eau rejetée aux égouts soit la plus propre possible. Ces sujets très techniques sont cruciaux pour nous. En outre, nous avons implémenté des ruches afin de participer à la biodiversité, il y a 7 ans. C’est Eve, ma femme, qui est devenue apicultrice, aidée par notre jardinier. Nous avons ainsi la chance de manger notre propre miel. Et nous bénéficions aussi de l’huile d’olive du château de Nalys. Tout cela, nous le faisons parce qu’il faut le faire. Je souhaite léguer à mes enfants une entreprise ancrée au 21e siècle. Penser à la planète, on se doit de le faire, surtout si des solutions existent.

Et cela se traduit comment en termes de commercialisation de vos vins ?

Philippe Guigal: A travers ces exemples orientés développement durable, j’espère que vous voyez que nous nous y intéressons de près. Cependant, le green-washing ou le bio-marketing m’insupporte. Le bio, pour moi, c’est avant tout un argument qui concerne des projets techniques. Ce sujet va devenir un non-sujet : demain, tous les vignerons se devront d’être bio, cela va juste devenir la norme. Je souhaite que les gens achètent du vin de chez Guigal car il est bon, avant tout, car il y a une tradition, un savoir-faire. Nous devons à nos consommateurs un vin produit dans le respect de l’environnement. Sur mes vins il y a écrit mon nom, Guigal, c’est un engagement.

Des nouveautés à nous partager ?

Eve Guigal: Sur Côte-Rôtie, nos packagings restent très classiques. Mais nous avons essayé de nous renouveler concernant notre Côtes-du-Rône rosé. L’étiquette s’est éclaircie, plus rose, plus « girly ». Cette bouteille a été retravaillée : pleine, elle est blanche, et vide, on voit sa structure striée à l’intérieur apparaitre. C’est une petite fantaisie. Un projet qui nous a pris 2 ans à mettre en place tout de même. Nous ne sommes pas les rois du marketing, mais nous obtenons des résultats. Par exemple, grâce à ce changement de packaging, nous avons multiplié les volumes de vente de ce vin par 4. Les gens sont très sensibles à ce genre de choses pour le rosé.

©Stéphane Chalaye Photographie pour E.Guigal

Comment s’est passé le lancement du Caveau du Château, votre espace oenotouristique ?

Eve Guigal: En janvier 2020, nous avons ouvert un caveau de vente et dégustation à Ampuis, afin d’accueillir des oenotouristes du monde entier. Et puis, nous avons dû fermer en mars, pour le premier confinement. Ensuite nous avons utilisé la possibilité en France qu’ont eu les commerces prioritaires de rester ouverts. A l’heure du bilan, nous sommes satisfaits. La première année, nous avons fait un très bel été, les français ont été au rendez-vous. La terrasse rencontre notamment un grand succès : en période de pandémie, les gens n’ont pas le stress d’être à l’intérieur. En 2021, nous avons doublé notre chiffre d’affaires. Grâce à de petits évènements, ainsi qu’à l’espace séminaire du premier étage. Nous avons aussi embauché une super équipe composée de passionnés de vin qui adore partager. C’est un espace qui lie le monde du vin, le monde de la dégustation et de la vente de vin à cet aspect patrimonial.

Un patrimoine omniprésent de la vigne au verre ?

Philippe Guigal: Chez nous, patrimoine et culture sont importants. Pour bien comprendre Côte-Rôtie, il faut comprendre le passé. On apprécie encore plus le vin quand on sait tous les efforts qu’il faut fournir pour le produire. La Côte-Rôtie est rare et chère. Son prix est monté très vite ces dernières années. Sur le prix, nous sommes suiveurs car nous sortons nos millésimes en dernier de par notre politique d’élevage longue (3 ans). Nous nous alignons sur les politiques commerciales de nos confrères. Les 40-45 euros la bouteille de Côte-Rôtie, nous savons les justifier. Il y a un travail énorme derrière chaque bouteille. D’autant plus en allant vers le bio. Sur Côte-Rôtie, nous sommes condamnés à l’excellence, aux grandes tables, aux grands amateurs de vin.

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