Le paysage dans le vin

Les régions viticoles d'Italie

Mais à l'époque - il y a déjà de nombreuses années - je n'étais pas en voyage pour "parler" de vin. C'était plutôt pour couvrir la reconstruction du Frioul après le tremblement de terre de 1976, qui avait fait près de 1.000 morts et détruit 50.000 bâtiments. Depuis, je n'y suis plus jamais retourné, jusqu'à, oui, il y a peu de temps - mais cette fois-ci uniquement dans mon imagination, à savoir lors de ma première rencontre avec des vins du Frioul. "Tavolata per gli amici del buongusto", tel est le nom d'un événement récemment mis en place lors de mon voyage en Australie. Une preuve que le vin peut aussi créer des liens dans le monde entier. Lors de ce voyage, j'étais en compagnie de plus de buveurs de bière que de vin. C'est ainsi qu'un couple, qui commandait également du vin tous les jours pour le repas, a deviné notre "bon goût" et a organisé des retrouvailles à la maison lors d'une "tavolata". C'est ainsi que j'ai quitté l'Australie pour le Frioul, en passant par la Suisse, sans aucune préparation.

Prélude à un voyage culinaire dans le Frioul lors d'une "Tavolata".

La "Tavolata" - organisée par le "Kochwerk", spécialisé dans les événements culinaires - promet "le pur plaisir d'un menu printanier". La promesse est tenue. Voici quelques-uns des neuf plats: "Mousse de pommes de terre sur petits pois avec petit œuf au plat et coulis de tomates", "Tiramisù d'asperges et de morilles avec feuille de laitue gélifiée et crème fraîche aux herbes" ou "Gigot d'agneau sur purée de pommes de terre vertes et asperges rouges avec jus au vin rouge". Qui n'a pas l'eau à la bouche? En fait, je m'attendais à un repas gastronomique, vu l'annonce. Mais le fait qu'il dépasse de loin le niveau de nombreuses "cuisines à toques" est une vraie surprise. Mais la surprise est encore plus grande en ce qui concerne les vins, tous des vins du Frioul. En apéritif, un cépage blanc que je n'avais encore jamais bu: le "Tocai Friulano", un cépage autochtone cultivé principalement dans le nord de l'Italie, mais qui, selon les normes européennes, ne peut plus être appelé ainsi que dans le Frioul.

"Tocai Friulano"% première rencontre avec le Frioul

Un bel accueil, mais inhabituel: crémeux, flatteur, léger goût amer, noisette, fruité, sec... s'accorde parfaitement avec les bouchées de poisson et de fruits de mer qui sont servies. Là où ailleurs - justement chez les chefs étoilés et les toques - on verse au moins du bourgogne, comme le veut le statut, on sert ici un vin simple, beau et plein de caractère du Frioul.

"C'est peut-être une question d'âge, je remarque ces derniers temps que je deviens de plus en plus sensible lors de la dégustation. J'essaie de plus en plus d'intégrer mes émotions dans les notes d'échantillon", a récemment déclaré l'un de mes cavistes "préférés", en parlant vraiment avec mon cœur. C'est à cela que je dois penser maintenant. L'image (désuète) de la région d'Udine surgit dans ma tête. Comment était-ce là-bas? Des vignes? "Colli orientali", littéralement "collines orientales", près de la frontière slovène, qui était alors encore un "rideau de fer"? Entre-temps, j'ai certes déjà lu l'une ou l'autre chose sur la région viticole du Frioul, mais je ne l'avais encore jamais vraiment perçue.

Des vins du Frioul% qui rappellent des souvenirs

Dès le premier verre, je commence à m'intéresser à cette région viticole pourtant si proche. Je peux lire les faits: 1,3 million d'habitants, 7,8 km² de superficie, dont 17.000 ha de vignes, capitale Trieste. Mais qu'en est-il de l'expérience? Le vin - s'il doit représenter une région viticole - doit aussi susciter des émotions, traduire en images et en fantasmes ce que les mots peinent à décrire. Les plats printaniers sont accompagnés d'un autre vin du Frioul, même producteur, autre cépage: le sauvignon blanc, de l'exploitation viticole Nicola et Mauro Cencig à Manzano (Udine). Le vin accompagne cinq plats; le pot-pourri habituel de philosophies œno-gastronomiques sophistiquées est absent.

Taglierini et salicorne aux scampi bordés de couleur

Je suis reconnaissant, cela me permet de m'intéresser un peu plus au vin. C'est un beau sauvignon, mais sage. Il se fait discret et laisse la place aux plats imaginatifs et savoureux. Il m'est ainsi possible de me consacrer entièrement aux arts culinaires et en même temps à la région viticole (nouvelle pour moi). Le vin: bouquet fruité intense, anis, pamplemousse, voire fruit de la passion, acidité rafraîchissante, notes légèrement vertes, groseilles à maquereau... On peut sans aucun doute dire la même chose de nombreux sauvignons blancs. Ce qui devient intéressant, c'est d'imaginer les vignobles: paysage vallonné, voire montagneux, légère brise marine, sols karstiques, Alpes carniques et juliennes... Du vin émergent des paysages, des souvenirs flous, des fantaisies audacieuses, et avec eux le désir de s'immerger dans une région viticole.

Une région viticole émerge des brumes du souvenir.

C'est surtout le "Refosco dal Peduncolo Rosso", 2009, servi avec le gigot d'agneau, qui donne des ailes à mon imagination, un vin assez terre à terre, presque un peu grossier, le goût de baies noires, de mûre, de myrtille, jusqu'aux prunes et aux amandes. Encore une nouvelle expérience, encore un changement de paysage. Peu à peu, le Frioul devient tout autre, il s'éloigne de plus en plus de toute réalité, il s'immerge de plus en plus dans l'univers de l'expérience du vin. Et c'est là que quelque chose de très étrange se produit: les vins deviennent vraiment des paysages, très différents par leur caractère et leur intensité. Il en résulte un besoin de comparer la réalité avec les fantasmes. De voir, de vivre la nature, le sol, le paysage. Il en résulte le désir de visiter le Frioul dans la réalité, maintenant en tant qu'amateur de vin. Je traverse donc l'Australie pour constater qu'à quelques centaines de kilomètres de chez moi se trouve une région viticole que je veux découvrir.

Cordialement

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