Ce n'est que pendant la soirée que j'ai vraiment pris conscience de la qualité de ce vin, et plus particulièrement de ce millésime. Et aujourd'hui, en cherchant sur Google, j'ai presque été effrayé par les prix. Bien sûr, je savais ce que je sortais de ma cave. Bien sûr, il était juste évident que j'allais boire ici un petit "trésor". Mais le millésime 1990 - quasiment l'année phare des années 90 - doit peu à peu entrer dans le verre, même si l'on aime bien "mettre de côté" une telle chose. Pour qui, jusqu'à quand, pourquoi...? C'est ce qui m'a traversé l'esprit lorsque j'ai pris la bouteille. Un jour "ordinaire", un samedi, juste avant un voyage plus important. Pourquoi pas maintenant?.
Au début, j'ai juste hoché la tête en signe d'approbation. Bien, oui, assez bien. Mais plus le vin était ouvert et dans le décanteur (ou dans le verre), plus il s'améliorait. Délicatement doux, profond, harmonieux - à chaque gorgée, il devenait plus "grand". Je suis prudent avec ce genre de compliments, cela pourrait aussi dépendre de moi, de mon humeur, de mon état d'esprit du moment, de la comparaison avec des vins que j'ai bus ces derniers temps.
Mais cette fois, ce n'était pas de ma faute. Et il soutenait toute comparaison. J'en suis convaincu. En fait, je n'ai pas besoin de témoins clés pour cela. Dans ce cas, j'en suis sûr: c'est un grand vin, l'un des meilleurs que j'ai eu dans mon verre ces derniers temps, et surtout un Bordeaux qui ne fait pas de vagues, mais qui se distingue par la finesse de ses arômes, par son fruit à présent très ouvert mais discret, par son bouquet de cannelle, de tabac, de prune et de cassis, le tout enrobé de tanins veloutés. Je suis enthousiasmé.
Alors, j'ai tout de même consulté Parker, Gabriel et compagnie. Mon enthousiasme n'est-il qu'une "saute d'humeur" momentanée? Gabriel: "Il fait partie des très grands Bordeaux des années 90!...C'était tout simplement génial... Ceux qui ne le boivent pas maintenant le regretteront sans doute bientôt..." Le vin n'est pas génial, il est bien trop distingué, trop aristocratique (sans que le domaine fasse partie des aristocrates du Bordeaux), mais pour le reste, René Gabriel a raison (même avec ses 19/20). Et je ne veux rien regretter, ni la soirée, ni le fait que ce soit un jour ouvrable ordinaire que je l'ai eu dans mon verre.